Comment définir les habitants de l'île de Nantes ? L'image que renvoie la population de l'île dans l'inconscient collectif est-elle fondée ? Est-ce une île de bobos qui n'a plus rien à voir avec ses racines ouvrières ?
Au travers de l'étude des données de Agence d'Urbanisme de la Région Nantaise (AURAN) et de INSEE, nous avons pu déterminer un profil type de l'habitant de l'ancienne île Beaulieu.
Une île de bobos ?
Sur l'ensemble de l'île de Nantes, l'habitant est relativement jeune et vit seul. Il a un niveau d'instruction plutôt élevé. Il fait partie de la classe moyenne et vit sur l'île depuis peu de temps. On remarque que le revenu brut moyen des ménages sur l'île est de 1899 euros contre 2733 euros pour la ville de Nantes. De plus, 17% des ménages vivent sous le seuil de pauvreté, on est donc loin de cette idée reçue qui présente les insulaires comme une population privilégiée de la ville.
Les différences entre les quartiers.
Même si la population de l'île reste globalement homogène, on constate qu'il y a des distinctions à faire. De fait, on peut séparer l'île en deux entités distinctes :
-A l'ouest, du nouveau. Il y a là les quartiers les plus dynamiques, les quartiers Ste Anne et République-Les ponts. La population est plus diplômée et comporte beaucoup de professions intellectuelles et d'étudiants. La population y est aussi beaucoup plus jeune et nouvelle et vit très majoritairement seule. Cependant, on remarque qu'à Ste Anne se concentrent les plus fort revenus de l'île, alors que le quartier République réunit les revenus les moins élevés.
-A l'est se trouvent les quartiers historiques de l'île, Beaulieu-Mangin et Ile Beaulieu. Ce sont les quartiers des classes moyennes et populaires. On retrouve là des familles, des personnes résidant sur l'île depuis longtemps. La population y est plus âgée, moins diplômée et les niveaux de revenus y sont plus équilibrés.
Les acteurs de l'île
Nous avons voulons confronter nos résultats avec le point de vue des insulaires. Nous avons interrogés des commerçants, témoins privilégiés de la vie de l'île. On constate que tous se rejoignent sur le caractère agréable et convivial de l'île et que la variété de sa population en fait son charme.
De plus, ils mettent l'accent sur son dynamisme et les grands changements qui interviennent depuis quelques années. Ils s'éloignent donc de cette vision caricaturale des insulaires, tout comme l'expert de l'Agence d'Urbanisme de la Région Nantaise (AURAN), Patrick Pailloux. Il nous confirme que cette image d'île de bobo qui "colle à la peau de l'île de Nantes" est dû à "la construction d'immeubles de très bonne qualité le long de la Loire qui cristallise l'opinion". Il se veut également rassurant quant à l'avenir de l'île qui préservera son identité par "la création de logements à la fois neufs et abordables, pouvant accueillir des personnes aux ressources moyennes et des familles". De quoi voir le futur de l'île d'un oeil apaisé...
Données provenant de l'AURAN et de l'INSEE
Entretien avec Patrick Pailloux, directeur d'études à l'Agence d'Urbanisme de la Région Nantaise
Pourquoi trouve t-on autant de personnes vivant seules sur l'Ile de Nantes ?
C'est une caractéristique commune aux coeurs des grandes villes. On peut y voir une évolution de la société : il y a les étudiants, les personnes divorcées. On vit aussi beaucoup plus longtemps et donc on retrouve des personnes âgées ayant perdu leur conjoint et continuant à vivre seule. Mais il faut se méfier de l'interprétation de ces chiffres sur la solitude. Dans la plupart des cas il ne s'agit pas d'une "solitude totale". Si nous prenons l'exemple d'une personne divorcée, celle-ci peut notamment accueillir son ou ses enfants à fréquence régulière, mais ces derniers ne seront pas comptés comme résidant à domicile lors du recensement.
On remarque que dans la partie ouest de l'île, les ménages occupent leur logement depuis moins longtemps qu'à l'est, où la population semble mieux installée. Comment expliquer ce constat ?
Alors il ne faut pas oublier que l'Ile de Nantes est avant tout un territoire d'accueil. Il y a une offre de logements très importante, et le projet urbain participe au développement de cette offre. En vérité, le taux de rotation des ménages dans les logements de l'île est important sur l'ensemble de l'île, aussi bien à l'ouest qu'à l'est. La plupart des logements appartiennent au parc locatif social et privé. Maintenant, ce qui explique cette différence dans les chiffres, c'est qu'à l'est, du côté de Beaulieu et Mangin, il y a des HLM construits entre les années 50 et 70. Les personnes y résidant sont majoritairement propriétaires de leur logement et donc ne déménagent pas ou peu.
A Nantes, l'habitant de l'île est souvent vu comme un bobo, une personne avec des moyens financiers non négligeables. Est ce que vous parvenez à expliquer ce phénomène ? Est-il fondé ?
C'est une image qui colle à l'Ile de Nantes mais qui ne reflète pas la réalité. Le salaire moyen sur l'île est de 1899 euros brut par mois contre 2900 euros brut pour Nantes Métropole. Cette différence s'explique par le fait que l'île est habitée en majorité par des employés, des ouvriers... Si les gens ont le sentiment d'une île bobo c'est en partie dû à la construction d'immeubles de très bonne qualité le long de la Loire, face au quai de la Fosse. Ces immeubles ont littéralement cristallisé l'opinion. Il est cependant vrai que les loyers augmentent sur l'île mais c'est le lot de toutes les grandes villes et c'est en partie dû à l'étalement urbain.
Pourquoi y a t-il, selon vous, autant d'employés et d'ouvriers sur l'île ?
C'est directement lié à l'offre de logement. Le parc locatif privé et social maintient ces catégories sociales sur l'île. Il y a aussi un certain nombre d'habitats anciens qui permettent de se loger à des coûts intéressants. Et puis il ne faut pas oublier que historiquement, l'Ile de Nantes a accueilli les ouvriers qui travaillaient sur les chantiers navals. Si les chantiers ont fermé en 1987, beaucoup sont restés vivre sur l'île.
La zone Sainte Anne, pour le moment encore peu peuplée, va voir sortir progressivement de terre le quartier Prairie-au-Duc sur d'anciens terrains en friche. Quelle population pensez-vous voir arriver ?
Le Plan Local de l'Habitat dit qu'il y a encore un certain nombre de logements sociaux à faire, autour de 20%. Il faut aussi diversifier l'offre. Nous devons réfléchir à la création de logements à la fois neufs et abordables, pouvant accueillir des personnes aux ressources moyennes et des familles. C'est la vocation du PLH : corriger les erreurs inhérentes au marché de l'immobilier.