L'ÎLE DE NANTES, DE 1987 A AUJOURD'HUI
UNE METAMORPHOSE URBAINE
La métamorphose de celle qu’on appelait autrefois « l’Île Beaulieu », ou « l’Île Sainte-Anne » a pris, depuis le début des années 2000, une tournure spectaculaire. Autrefois dédaignée par le centre-ville, couverte de friches et d’entrepôts déshérités, l’Île de Nantes incarne aujourd’hui une nouvelle façon de voir et faire la ville. Retraçons sa transformation autour de quatre opérations emblématiques, entre symboles et ruptures.
Interview de Pierre-François Lebrun - Réalisateur de films documentaires sur l'île de Nantes.
I- LE PALAIS DE JUSTICE DE NOUVEL, SIGNE FORT
Le Palais de Justice de Jean Nouvel est le premier projet d’envergure à matérialiser le renouveau de l’île de Nantes. Il marque, avec force, l’entrée de la puissance publique dans un lieu longtemps jugé hostile. La renommée de son architecte s’ajoute au symbole, et donne une vraie justification à la requalification du quartier. La passerelle Schoelcher, dont le Palais Justice accouche, reconnecte quant à elle les piétons du centre-ville avec leur Île. La combinaison de ces deux projets désenclave un pan entier de l’Île, et ouvre ainsi la voie à d’autres projets ambitieux sur un terrain riche en opportunités.
II - DU RHUYS AU QUAI FRANÇOIS MITTERRAND
Autre bâtiment emblématique, autre symbole : le Rhuys. Ce vaste ensemble de bureaux est, cette fois, le fruit de l’engagement d’un investisseur privé. Le signal envoyé est à la hauteur du risque consenti : car il faut imaginer l’Île avant sa métamorphose, et comprendre l’audace que revêtait, en 2002, une telle initiative. Le choix, par un pôle média, d’investir sur l’Île et de s’y installer durablement est une façon de donner l’exemple. Un moyen aussi de donner du poids aux ambitions « métacentriques » de l’Île. Une façon aussi de donner du poids aux ambitions « métacentriques » de l’Île. Une fois livré, le projet aura deux conséquences : rassurer d’abord les promoteurs frileux, qui rechignaient encore à s’engager dans le renouvellement urbain de l’Île de Nantes ; engager ensuite le projet tout aussi ambitieux qu’est l’aménagement du Quai François Mitterrand. Les Nantais pourront alors, pour la première fois, se balader le long des bords de Loire. Ce qui donne à ces deux opérations une dimension hautement affective.
III - ARBOREA : PREMIER BATIMENT A AFFICHER LES PRINCIPES DE MIXITE
Rompre avec le « zoning » (zonage) popularisé en France par Le Corbusier, et à la mode depuis les années cinquante, c’est cette nouvelle façon de voir et faire ville qu’a porté Alexandre Chemetoff. Jusqu’en 2010, la SAMOA a suivi le plan-guide de l’architecte-paysagiste, qui a instillé au projet sa vision de la ville moderne. Il s’agit depuis d’inscrire le renouvellement urbain dans une approche toute globale. La ville ne doit plus être strictement éprouvée comme un ensemble bâti et rigide, mais comme un lieu plus souple et flexible, un endroit de vécu social et culturel. La ville doit, en somme, s’insinuer et pénétrer partout, au moyen notamment d’espaces publics, sur lesquels l’ensemble du projet s’appuie. Mais surtout, le projet porte en lui une idée : la mixité. Arborea est le premier projet à afficher ces principes qui vont prévaloir sur l’Île. Très dense, il laisse place à des parcours et a invité à la requalification de l’espace public environnant. La mixité donne un lieu où se rencontrent habitants, commerçants et professionnels. Plus de vie et plus de dynamisme, en rupture donc avec le rationalisme sinistre des ZAC (Zones d’Activités Commerciales) ou autres Zones d’Habitation. Un « pragmatisme à la nantaise », clé de voûte d’un projet destiné à mettre la ville au service de l’habitant et de la cohésion sociale.
IV -LES MACHINES
Notre voyage dans le temps se terminera aux Nefs Dubigeon. Quel n’est pas, là encore, le symbole ! Financée par Nantes Métropole, la requalification des nefs est un clin d’oeil adressé au passé ouvrier de l’Île. Voué à accueillir des manifestations touristiques et culturelles (comme l’Eléphant ou la Fabrique), cet espace public couvert, non content de mettre en valeur le patrimoine insulaire, tisse un véritable lien avec l’histoire industrielle de l’Île. Une réussite, si l’on songe aux friches qui recouvraient jadis ce territoire désolé, que peu de nantais se risquaient à arpenter. Voilà où le projet puise toute son énergie : considérer l’île comme un formidable espace à bâtir, mais toujours avec l’idée de conserver et requalifier ce qui y existait déjà. Le travail entrepris depuis dix ans en ce sens paraît d’ailleurs spectaculaire, tant les constructions semblent jaillir de nulle part. Pourtant, il n’en demeure pas moins minutieux. Tout est précautionneusement tricoté. Il jamais été question en effet de faire « table rase », de sombrer dans l’urbanisation frénétique et anarchique ; les axes de communication existants ont été conservés, le patrimoine — témoin du passé naval et ouvrier de l’Île — revalorisé, — et si ce morceau de Nantes change de vocation, tout ou presque a été fait, — de concert avec les associations et syndicats d’anciens dockers et ouvriers, — pour préserver son identité.
Interview de Virginie Barré - Chef de projet construction / aménagement SAMOA.